NOS FORETS EN PÉRIL

Le réchauffement de la planète est une réalité et ce changement se constate par bon nombre de phénomènes. Les périodes de sécheresse, la hausse des températures tout comme le manque d’hiver bien marqué sont autant de changements auxquels Dame Nature doit s’adapter. Ces phénomènes sont notamment à l’origine du déplacement nouveau et de la prolifération de certains parasites. Toute personne un peu attentive et proche de la nature n’aura pas manqué de remarquer que nos forêts semblent en mauvaise santé. Ce constat se dresse plus facilement et principalement dans les peuplements d’épicéas. Que se passe-t-il ? Nous avons cherché la réponse et rencontré à ce titre Philippe GERARTS technicien et entrepreneur forestier.

Quelle est la cause du dépérissement
e nombre d’épicéas dans nos forêts alors que notre pays est envié pour sa productivité et sa gestion sylvicole ?

C’est l’IPS typographus, petit coléoptère de 5 mm de la famille des scolytidés trouvant son expansion dans le réchauffement climatique. J. Baudelot de l’ONF a décrit ce phénomène de la façon suivante : « C’est une tempête silencieuse. Les gens ne s’en rendent pas compte car c’est une mort discrète ».
En début de saison, lorsque les températures avoisinent les 18 à 20° pendant plusieurs jours, les mâles pénètrent sous l’écorce des épicéas pour y aménager une chambre nuptiale. Les femelles une fois fécondées creusent des galeries maternelles dans le sens des fibres du bois et y déposent jusqu’à 80 oeufs. Une fois les larves éclosent elles creusent de nouvelles galeries perpendiculairement au fil du bois afin d’y accomplir leur métamorphose. Le réchauffement climatique de ce 21ème siècle engendre souvent une deuxième génération,voire une troisième, qui colonise d’autres arbres. Ce sont en général les arbres cassés suite aux intempéries (chablis) ou les arbres affaiblis par le manque d’eau qui sont les premières victimes.

Comment repérer l’attaque du scolyte sur un sujet du peuplement ?

Un propriétaire ou exploitant forestier se doit de circuler régulièrement dans les plantations et d’examiner avec attention les fûts des arbres. Le constat d’une attaque par un scolyte s’identifie par l’apparition faible au départ de petits trous dans l’écorce réalisés par les scolytes mâles. S’en suit la sciure des galeries maternelles évacuée par les insectes et bien visible tant sur l’écorce qu’au pied de l’arbre. La chute des aiguilles suit avant le décollement de l’écorce.

Lorsque le constat est fait qu’advient-il dès alors ?

Une attaque de scolytes entraîne presque immédiatement la mort de l’arbre touché, de quelques semaines à un mois, puisque le cycle de la sève est interrompu. De plus, les scolytes colonisateurs dégagent des phéromones qui attirent d’autres individus. Il importe donc de réagir rapidement en abattant l’arbre atteint et en l’évacuant au plus vite ou en le brûlant.

Peut-on agir préventivement ?

Il n’y actuellement aucun remède radical car le typographe est sensible aux conditions climatiques dont nous ne sommes pas maître. Une précaution indispensable est toutefois d’évacuer le plus rapidement possible les bois touchés, d’évacuer en urgence les chablis causés par les tempêtes et de procéder à l’évacuation à plus de 5 km des arbres sains qui ont fait l’objet d’un abattage de gestion. En cas d’évacuation tardive, il convient de procéder en urgence à l’écorçage des arbres abattus. La réduction des populations par piégeage existe mais nécessite des moyens humains importants pour leur entretien. En effet, sachant qu’un M3 de bois produit plus de 30.000 individus, il est nécessaire et indispensable de relever les pièges régulièrement.

Ce phénomène doit avoir des conséquences financières dramatiques sur l’exploitation et la vente du bois sachant qu’il faut une vingtaine d’années pour dégager un bénéfice substantiel.

En effet car nous devons tenir compte que ce phénomène touche non seulement notre petite Belgique mais l’ensemble des forêts européennes. La mondialisation du marché telle que nous la connaissons actuellement offre certes des débouchés mais crée aussi une concurrence qui provoque la chute des marchés et entraine des incertitudes quant à la pérennisation de la forêt. On peut estimer que le volume d’épicéas scolytés en Région Wallonne en 2019 avoisine un million de m3, cent millions de m3 en Allemagne, trente millions en Tchéquie, etc … A titre d’information (Office Economique Wallon du Bois) l’épicéa représente en Région Wallonne 87% de la récolte de résineux et 68% de la récolte totale du bois.

Comment envisager l’avenir de nos forêts ?

L’épicéa en Belgique n’est pas pour autant condamné mais il importe de choisir méticuleusement sa station. Gageons qu’au dessus de 500 m. d’altitude, l’épicéa restera le roi de l’Ardenne. A des altitudes moins élevées, le choix de l’essence est cornélien car d’autres maladies touchent nos forêts (chêne, Douglas, pin, frêne, orme, etc…) Des études sont menées depuis quelques décennies tendant à trouver des essences plus adaptées aux changements climatiques que nous connaissons actuellement tels que la hausse des températures et les périodes de sécheresse.

La forêt belge occupe aujourd’hui 23% du territoire national soit un peu plus de 700.000 ha. Elle est répartie sur les trois régions du pays : 78,9% en Wallonie, 20,7% en Région flamande et 0,3% en Région Bruxelles- Capitale.

Interview & Photos : Jean BOURSEAU