Dans l’Alsace vosgienne, à Fouday, l’Hôtel Julien est devenu en quatre décennies le refuge favori de 22 000 clients belges, au bas mot. Le secret ? Les valeurs d’une famille pas comme les autres. Une famille en or.
Le ciel d’Alsace peut être gris et glacé – ça arrive -, les nageurs de l’Hôtel Julien n’en ont cure. Ils crawlent ou coulent des brasses paresseuses dans la piscine extérieure à l’eau bleu azur. La vapeur légère qu’exhale la surface auréole leurs têtes : à précisément 31,3 degrés, l’eau est délicieuse, ils se moquent de la météo et de la saison. Chez Julien, toutes les saisons sont celles du plaisir. En janvier, ses clients ont pu voir sur la télé de leur chambre les 3000 courageux du plongeon du Nouvel An d’Ostende affronter une mer du Nord à 8 degrés. Puis se ruer vers serviettes et thermos de café en claquant des dents et en jurant qu’, qu’, que c’est super…
DEUX ÉTOILES, ÇA SUFFIT POUR FAIRE BRILLER DEUX YEUX
Les baigneurs de l’hôtel ne friment pas. Ils passent en nageant côté intérieur de la piscine pour y enfiler leur peignoir blanc et se relaxer sur un lit-balançoire, dans la tiédeur d’une atmosphère parfumée. Les grandes baies dévoilent le panorama des forêts surplombant la vallée de la Bruche, avec sa rivière qui gargouille gentiment sur les cailloux. Cool. Toute la gamme possible des soins d’un spa de première catégorie les attend, deux piscines intérieures dont l’une se prolonge dans la nature, les soins, les salles de repos, Grotte à Sel, sauna, sanarium, bain turc, hammams, jacuzzi intérieur et extérieur, fontaine à glace…
SALUT LES COPEAUX !
En ces temps de sobriété énergétique obligée, bien des piscines ferment pour stopper l’hémorragie financière. La consommation pour chauffer l’eau et l’air, la climatisation, les machineries, tout ça a de quoi rendre parano. “Pas chez nous, des panneaux solaires régulent la température et l’eau est chauffée aux copeaux de bois. C’est une ressource locale et elle ne risque pas de manquer”, sourit Eléonore Goetz, qui gère la partie hôtel & spa chez Julien. Impressionnante et belle, la “ressource”. Les scieries alignent au long des routes des entassements de troncs d’arbres, prélevés dans les forêts du Massif des Vosges. Les bois de sapins sont si touffus que les coupes se voient à peine. On est tout près de la fameuse “Ligne bleue des Vosges”et déjà de son côté alsacien. Ici la nature, généreuse et intacte, offre 17 000 kilomètres de sentiers, balisés pour des randonnées d’exception, quelle que soit la saison. C’est un pays de… ressourcement, d’air pur aux senteurs de résine, de balades qui réveillent l’appétit de vivre. Et ouvrent l’appétit tout court, pour toutes les saveurs et séductions d’Alsace. Dieu sait si elles sont nombreuses.
LE CHEF C’EST LUI, LES CHEFFES, CE SONT ELLES
On en a un avant-goût dès l’entrée à l’hôtel-restaurant. Moquette profonde, boiseries opulentes, accueil chaleureux. Des jeunes femmes en costume traditionnel saluent en passant dans le lobby et les couloirs. Au mur, face à la réception, une veste blanche à col bleu blanc rouge de feu Paul Bocuse, dédicacée par le légendaire chef français, un ami de la maison. A côté, “Alsace, un paysage gastronomique”, le très beau livre de recettes que le patron Gérard Goetz a publié aux éditions La Martinière. En cuisine, Gérard n’arbore pas souvent son tricolore de meilleur cuisinier de France, il n’est pas du genre à se pousser du col. Il n’a jamais été diva, plutôt chef d’équipe. Chef de famille surtout, qui préfère mettre en avant son épouse Marylène, Hélène et Eléonore, ses deux filles aujourd’hui aux commandes, Gaston et Laurent ses gendres, ses chefs adjoints Jean- Jacques Klein et Philippe Buys… sans oublier les 80 et quelques employés et sous-traitants qui aident à faire tourner l’Hôtel Julien. Pour loger le personnel, si difficile à recruter aujourd’hui, il a bâti des appartements confortables au village. Outre la famille Goetz, il y a les fidèles, Marie, Bernard, Mathieu, Patricia, Jason, Anastasia, Mélanie, Céline, Anthony, Diana, Romain, Paulette, Julia… Une belle tribu, soudée et heureuse d’un succès bien au-delà du grand-est. Avec un incroyable taux de remplissage de… 98 %, les 73 chambres et suites de l’établissement sont souvent bookées un an à l’avance. Beaucoup de clients, au moment de régler leur séjour, réservent le suivant pour être sûrs d’avoir de la place. Eux aussi donnent le sentiment de faire partie d’une grande famille.
CINQ ETOILES, SI JE VEUX
La preuve, ce grand sourire qu’affichent les habitués à leur arrivée. Ils se replongent avec bonheur dans le confort signé Julien comme s’ils abandonnaient à l’entrée un costume gris qui les contraint. Ils se sentent chez eux, ici, dans l’ambiance particulière que crée le cocktail réussi de la simplicité chaleureuse de l’accueil, d’un hébergement de grande qualité et d’une cuisine imaginative qui a obtenu un Bib gourmand. Fidélité et succès s’expliquent : l’hôtel se positionne résolument comme un simple deux étoiles, en offrant les prestations d’un cinq étoiles – à prix maîtrisé. Avec un menu cinq services qui n’a rien à envier aux grandes tables, sa formule demi-pension est choisie par la majorité de la clientèle. Pourquoi vouloir encore plus quand on peut entamer sa journée par un buffet somptueux, offrant tout ce dont on peut rêver au petit déjeuner ? Y compris un magnifique Crémant d’Alsace de chez Burghart Spettel sur lit de glace, pour ceux qui se sont couchés tard… Il y a de l’ambiance, certains soirs on danse autour du piano sur lequel pas mal de vedettes amies ont joué. Mais le matin, c’est toujours le souriant Gérard qui, avant de disparaître en cuisine, tranche à la demande baguettes et pains croustillants, cuits dans la maison comme toutes les pâtisseries. A 68 ans, il reste actif, c’est viscéral chez lui, même si c’est désormais avec ses filles que tout se fait, en concertation comme toujours. Chez Julien se définit comme une “Maison de famille” et c’est profondément vrai. D’ailleurs le patron est encore bien là, au grand plaisir des clients.
AIMER LA VIE, AIMER LES GENS, LE SECRET DE L’HOSPITALITÉ ALSACIENNE
“Les gens ont besoin de le voir, pas seulement de le saluer au passage”, constate Hélène, en charge de la partie restauration avec son mari Gaston. Blonde comme sa soeur et véritable concentré d’énergie comme elle. Toujours sur la balle pour aider au service, changer nappe, linge et argenterie, placer les dîneurs.160 couverts le soir et jusqu’à 300 le dimanche, le personnel ne chôme pas. Eléonore et Hélène non plus, elles bossent et galopent, toutes deux avec le même sourire. Et résument la philosophie maison, dans laquelle elles sont tombées toutes petites: “Ce que notre père et notre mère nous ont inculqué? A aimer les gens, avec le sens de l’excellence et de la simplicité. Une générosité bienveillante, avec de bons produits : quand on a ça, on peut accueillir tout le monde”. Après hautes études et expériences à l’étranger, l’une et l’autre sont revenues au nid pour aider, entre autres, leurs parents à développer le spa, à l’exemple de ce que faisaient les belles hostelleries de la Forêt-Noire. Et c’est loin d’être fini.
SOUS LES SAPINS, LA PLAGE
La technique maison, c’est d’investir toujours plus dans la qualité. Le spa By Julien, déjà au top de la dizaine d’établissements qui font de l’Alsace une destination de choix dans ce domaine, va encore s’améliorer. Les clients de l’été 2023 n’auront qu’à emprunter une passerelle pour découvrir, de l’autre côté de la rivière, un nouvel “espace zen” avec plan d’eau et plage juste en face du jacuzzi extérieur. Avec, depuis les immenses baies vitrées de la piscine, une vue panoramique sur la vallée et les plaisirs d’eau et nature de cet établissement de 14 000 m2. “Quand on pense à ce que c’était autrefois : une Petite Maison dans la Prairie…” sourit Gaston, le mari d’Hélène. La maison d’origine, c’était le bistrot de la petite gare, un resto fréquenté par les routiers. Yvette et Julien, les parents Goetz, l’ont repris en 1955, l’année de la naissance de Gérard. Aujourd’hui, c’est à peine si on distingue encore le bâtiment d’antan; il se fond dans la couleur ocre du complexe qui s’étage en bord de route. Il abrite la cuisine, trop exiguë pour la brigade d’une vingtaine de personnes. Tout cela sera une fois de plus remodelé, agrandi en reconstruisant une maison mitoyenne, libérée après 35 ans de patience. Patience? Passion et travail d’abord, oui. Quand Gérard Goetz reprend l’auberge familiale, à 22 ans, elle a tout juste cinq chambres à l’étage et la salle de bains au bout du couloir. Pas de quoi attirer ni surtout retenir les touristes. Il ira les chercher année après année, notamment en Belgique, au Salon des Vacances de Bruxelles. Séduits par sa cuisine et sa personnalité, ils lui font un bouche à oreille si efficace qu’aujourd’hui 80 % des clients proviennent du plat pays. Francophones comme Néerlandophones – sans problème comme toujours quand ils sont à l’étranger – se sentent bien en Alsace où, dit-on, “un Alsacien, c’est un Belge qui voulait aller en Suisse…” Les 21 juillet chez Julien sont devenus célèbres dans cette verte vallée de la Bruche.
UNE CHAMBRE DE LUXE PROTOTYPÉE… DANS UN GARAGE
Pas ou peu de vacances, par contre, pour la famille qui met à profit ses rares périodes de congé pour améliorer tout ce qui peut l’être. La débrouillardise vient au secours de l’esprit d’entreprise quand il faut rénover, agrandir, tout en continuant à fonctionner. “Il fallait modéliser rapidement nos nouvelles suites “de montagne”, les plus luxueuses, et la simulation 3D n’existait pas encore”, raconte Eléonore. “On sait que le diable se cache dans les détails, alors on a construit un prototype dans un garage disponible, avec les vrais matériaux. 55 mètres carrés de bois et de pierre brute comme un chalet de montagne et une salle d’eau avec jacuzzi, plus une terrasse. On a conçu la déco nous-mêmes et on a pu ainsi tout tester et tout régler, en vrai.” Oui, le diable se cache dans les détails mais il peut aussi frapper en grand et sans prévenir. Les confinements successifs du Covid-19 ont forcé la famille à se cloîtrer à l’hôtel, parfois fermé en décalage avec d’autres établissements: “Avec notre clientèle belge, on a vécu au rythme des Comités de Concertation de votre gouvernement. Un jour on était orange, puis rouge, vert, de toutes les couleurs…” La famille a financièrement tenu le coup grâce aux réserves. Et rétrospectivement, les mois de fermeture Covid inattendue lui apparaissent comme un cadeau du ciel. “On n’avait jamais connu ça, c’était une période bénie. On n’était pas en faute de ne pas travailler, on n’en avait pas le droit ! Notre père nous mitonnait de bons petits plats, on était tous ensemble.” “De vraies vacances en famille, les plus beaux mois de ma vie” renchérit Gérard Goetz. On a raison de dire que les vacances, ce n’est pas bon.
On risque trop d’y prendre goût.
Texte : Stève Polus | Photos : Hôtel Julien
Hôtel Julien
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