DOMINIQUE GERARD
Artiste plasticienne

Autodidacte, hyperesthésique, différente, battante fragile, guerrière pacifique, écorchée spirituelle, Dominique Gerard, se nourrit de l’énergie plastique qui l’emmène au quotidien dans un tourbillon de bonheur, d’extériorisation, laissant la parole aux pinceaux ou tout autre outil qui contribuent à son épanouissement d’interprète.

Qui es-tu Dominique Gerard ?
Bruxelloise d’origine, je me suis installée dans les Ardennes depuis 5 ans. Un petit retour aux sources puisque mes parents ont eu une maison de campagne pendant 20 ans dans la région de Stavelot. Enfant, je passais déjà toutes mes vacances dans une ferme à Francorchamps. Il était donc pour moi naturel de revenir habiter près des Fagnes, loin du bruit et de l’agitation de la capitale, pour y trouver l’énergie nécessaire à ma créativité.

Quel est ton parcours initiatique ? As-tu fréquenté une école d’art ? Dans l’affirmative, quelle école et qu’y as-tu appris ?
Après avoir fait des études artistiques à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, j’ai fait une formation à l’école supérieure d’Arts ‘Le 75′ à Woluwe-Saint-Lambert où j’ai obtenu mon diplôme en Arts Plastiques. J’ai travaillé dans plusieurs grandes agences publicitaires telles que Mac Cann Erickson, Design Board, Créaset. Je me suis ensuite consacrée à la création de logos durant 10 ans en tant qu’indépendante. Ma deuxième passion étant la cuisine, j’ai aussi travaillé comme chef durant 2 ans dans un restaurant bruxellois tout en organisant des ateliers culinaires chez moi.

Quelle est ton style ? Quelles techniques, quelles peintures utilises-tu ?
Mon travail revêt de nombreuses facettes. Différents styles peuvent se chevaucher, se marier, tout dépend de l’œuvre. Mon art est tantôt singulier, tantôt brut ou pop. Je suis une coloriste, je fais vibrer les couleurs qui donnent cette joie de vivre. J’utilise plusieurs techniques selon les supports ou mon humeur. Les dessins sont réalisés à base de marqueurs, d’écolines et parfois même de collages. Pour les toiles j’emploie de l’acrylique principalement. Tous les supports me parlent surtout quand je ne les ai pas encore expérimentés. J’adore créer des œuvres sur des pages de livres anciens, sur des cartons ou customiser des meubles, des chaises, des statues, des murs et des portes… En fait, tout support permettant de m’exprimer librement.

Comment ou quand as-tu commencé ? Quel a été ton déclic ?
J’ai toujours dessiné ou peint. Le dessin est un de nos premiers langages, une façon d’exprimer nos sentiments et nos ressentis de façon libre et innie. Il n’y a donc pas vraiment eu de déclic à proprement parler.

Pourquoi peindre ?
C’est mon yoga. La peinture me permet de m’évader, de me vider la tête des choses négatives qui nous entourent pour laisser place à mon univers dans lequel je me sens bien, même si quelques démons s’y invitent de temps à autre. Je les accepte et les intègre de façon à ce qu’ils ne soient plus des ennemis mais bien des alliés qui intègrent mon espace.

Outre le fait de créer de l’émotion par l’intermédiaire de formes et de couleurs, que cherches-tu à représenter ?
En vérité, je ne cherche rien sauf peut-être à me découvrir moi- même. Je peins ce que je ressens au moment où je crée, influencée par la musique que j’écoute, par les saisons, par les événements et par mon humeur du jour ou de la nuit. Je ne m’imagine pas demander à un écrivain de réécrire son livre, en supposant que je n’apprécie pas la fin !

Pourrais-tu refaire ou modifier un tableau selon les idées et les goûts d’un acheteur ?
Je peux effectivement refaire un dessin ou une toile mais ce ne sera jamais à l’identique. Le style et les couleurs s’y retrouveront mais la spontanéité y sera différente à chaque fois.

Comment organises-tu ta journée ? As-tu des routines de travail ?
J’aime mon travail et ne m’impose aucun horaire. Je crée lorsque j’en ressens le besoin ou l’envie. Il m’arrive d’avoir de petites périodes creuses, je sais qu’il est alors temps pour moi de me reposer, me changer les idées pour recharger les batteries de ma créativité mais ça ne dure jamais longtemps.

Quel est ton processus créatif ? Quelle est ta démarche ou ton fonctionnement dans l’atelier ?
La spontanéité est mon moteur. Je laisse donc libre cours à mon imagination. Il m’arrive de faire des croquis, des projets lorsque je suis à la recherche d’une attitude ou d’une expression.

JEAN-MICHEL BASQUIAT A PEINT LA MORT, MOI, JE PEINS LA VIE !

Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Il y en a beaucoup et elles se renouvellent sans cesse. Mon cerveau est habitué à capter tous les stimuli qu’il perçoit sans que je ne m’en rende compte la plupart du temps. Beaucoup de gens me parlent de Basquiat, de Keith Harring, de Miro etc… Ce sont des artistes que j’apprécie et ils ont certainement une influence sur mon imaginaire. Jean-Michel Basquiat a peint la mort, moi, je peins la vie!

Combien de temps consacres-tu à une toile, de son ébauche à son ‘aboutissement ’ ?
J’aime travailler une toile en mode « one shot » pour rester dans la même énergie. Je ne traîne donc pas des jours ou des mois sur une création, par contre, elle peut avoir mijoté, mûri dans ma tête pendant des années, voire toute ma vie.  Je pense que ce qui est posé sur un support est prêt depuis bien longtemps dans ma tête. J’ai parfois besoin d’un petit échauffement de croquis avant de me lancer sur une toile, juste le temps de me replonger dans mon univers.

A ton avis, existe-t-il des critères qui permettent d’évaluer la valeur artistique d’un tableau ?
Une œuvre artistique, quelle qu’elle soit, doit, pour moi, être un coup de cœur. Il n’est pas nécessaire de s’y connaître en art pour apprécier ou créer une œuvre. Tout comme il n’est pas demandé d’avoir fait des études de restaurateur pour apprécier un bon plat ! Une oeuvre d’art est un travail qui aboutit à un résultat réussi pour celle ou celui à qui elle plaît.

Qu’est-ce qui anime ta passion au plus profond de toi ?
Le besoin de créativité est présent depuis ma tendre enfance. Que ce soit peinture, dessin, bijoux, couture, parfums ou cuisine, je suis créative dans tout ce que je fais, y compris ma vie.

Quelle est la signification de ta signature ‘MOI’ que l’on retrouve sur toutes tes œuvres ?
Graphiste, spécialisée en création de logos, je ne pouvais pas passer à côté du mien. Il s’est imposé naturellement en faisant mon autoportrait. J’y ai apposé le « MOI » sur la toile, puis c’est devenu ma signature.

Quels sont tes objectifs à long terme ?
Je progresse constamment dans ma peinture. Une idée en appelle une autre. Dès que je termine une toile je pense déjà à la suivante. Mon évolution est rapide et je ne compte pas m’arrêter là. Je cherche et crée de nouveaux signes, de nouvelles associations de couleurs, de nouveaux supports et de nouvelles techniques constamment. Le monde de la création est infini, il y a donc du ‘peint!’ sur la toile.

LE MONDE DE LA CRÉATION EST INFINI. 
IL Y A DONC DU ‘‘PEINT !’’ SUR LA TOILE

As-tu un mentor ou un modèle ?
C’est MOI ! Je suis certainement influencée par ce que je vis, ce que je vois, ce que j’entends et découvre mais je puise mon inspiration au plus profond de moi, ça sort de mes tripes.

Si tes oeuvres étaient un bruit, un son, une musique, à quoi ressemblerait ce son, ce bruit, cette musique ?
Des sons et des silences. Il est important de laisser des espaces libres des silences sur une toile pour qu’elle respire. C’est un de mes combats et j’y arrive plus sereinement qu’à mes débuts. Quand je peins j’écoute toutes sortes de musiques : lounge, jazz, classique, pop, rock, cela dépend de mon humeur mais je ne peins jamais dans le silence … à essayer.

Y a-t-il un message dans tes réalisations ?
Certains y voient tant de choses qui m’échappent. Le message que j’aime faire passer c’est la joie de vivre. Comme m’a dit un amateur ‘ça pète la vie !’. J’apprécie cette analyse, c’est tout MOI ! Depuis mes études artistiques et, bien sûr lorsque j’ai travaillé comme graphiste, la création d’identité m’a permis d’acquérir une assurance au niveau de la synthèse des éléments, d’aller à l’essentiel. En peignant, je simplifie les formes, les traits et les écritures qui sont devenues des signes que chacun peut interpréter comme il veut et voir ce qui le touche ou l’inspire selon sa sensibilité, son ressenti, son vécu. Etonnée d’entendre les interprétations de mes œuvres qui sont, la plupart du temps assez éloignées de mon interprétation personnelle qui émerge parfois après l’exécution de l’œuvre.

Qu’est-ce que l’originalité pour toi ?
Une chose est certaine, je ne peins que des originaux. Je ne cherche pas à être originale lorsque je crée une toile. Je peins ce qui m’inspire: les gens, les signes, les traits, l’écriture et les couleurs, une ambiance de vie qui me correspond. Ce qui est original pour l’un ne l’est peut-être pas pour l’autre.

As-tu un format de prédilection ?
Oui, j’aime exploiter les grandes surfaces donc: au plus grand au plus amusant. Je suis parfois obligée de me limiter dans mes délires, faute de place et de transport raisonnable mais je suis vraiment comblée lorsque je peux peindre une grande toile, un mur ou une porte.

L’IMAGINATION EST SUBLIMÉE PAR LA TECHNIQUE

Imagination ou technique, importance égale ?
Je pense que l’un ne va pas sans l’autre. L’imagination est sublimée par la technique si elle est bien maîtrisée et que l’on arrive à reproduire sur toile ou papier ce qui est imaginé par l’esprit … pas toujours évident. L’imagination et le lâché-prise engendrent la spontanéité, encore faut-il arriver à lâcher prise.

Depuis des décennies, la peinture est régulièrement présentée comme une forme d’art dépassée, sans véritable légitimité. Quel est ton avis sur l’état du monde actuel de la peinture ?
Je ne pense pas du tout que la peinture soit un média dépassé. Il suffit de voir les records de vente dans les salles de vente … Ces dernières décennies, d’autres formes d’expression artistique ont été consacrées par le monde de l’art : photo, installations, art numérique, BD, … et cela nous montre combien ce monde est en constante évolution.
La peinture moderne est aussi vieille que l’humanité mais tant qu’elle conservera l’énergie de sa jeunesse, nous n’avons aucun souci à nous faire.

Interview :Damien CHABALLE | Photos : Dominique Gerard