DIOR
Et Dieu recréa la femme

Un nom magique qui comporte ceux de Dieu et or. C’est ainsi que Jean Cocteau évoquait son ami Christian Dior dans les années quarante, lui prédisant un avenir glorieux.
Chez Dior, depuis le premier défilé le 12 février 1947 baptisé New Look, la nouveauté s’invite à chaque saison. La maison n’a cessé d’imposer sa vision à travers des lignes élégantes, architecturales et infiniment féminines.

CHRISTIAN DIOR,LE MERLE BLANC QUI A RÉVOLUTIONNÉ LA MODE

IDENTITÉ
Lorsque Christian Dior ouvre sa Maison de couture en octobre 1946, il a 41 ans et a déjà vécu plusieurs vies. Après une enfance protégée à Granville, en Normandie, il ouvre sa galerie d’art à Paris, puis apprend le métier de modéliste chez Lucien Lelong. Ces expériences vont forger sa culture et façonner ses goûts. Dans ce contexte d’après-guerre, de privation et de rationnement, Dior n’a qu’une obsession ; redonner de la joie, de l’élégance et de la beauté aux femmes.
En seulement dix années, de 1947 à 1957, Christian Dior révolutionne les codes de l’élégance et de la féminité, imagine des collections comme des rêves et des enchantements. Celui qui se voulait architecte a offert aux femmes sa vision de la beauté à travers des silhouettes élégantes, jusqu’à devenir dans le monde entier synonyme de luxe à la française.

INSPIRATION
Nous sommes le 12 février 1947 lorsque Christian Dior présente dans son hôtel particulier du 30 avenue Montaigne, à Paris, sa première collection. Sculpture qui semble moulée sur le corps d’une femme, l’intemporelle veste Bar y est présentée pour la première fois. Aujourd’hui, elle est réinterprétée saison après saison, élément central du vestiaire Dior. Depuis son premier défilé, Christian Dior a imaginé ses collections comme des édifices rigoureusement structurés, savamment pensés. Bien d’autres influences l’ont marqué depuis son enfance ; les fleurs, les couleurs, l’art, tous ont contribué, à leur manière, à un héritage que la Maison Dior perpétue et que les directeurs artistiques réinterprètent aujourd’hui pour sauvegarder cet esprit intemporel et inimitable.

SUCCESSION
La fulgurante ascension de du couturier prend fin brutalement en octobre 1957, avec sa mort à la suite d’une crise cardiaque. La succession à la tête de la maison Dior est assurée par le jeune Yves Saint Laurent, entré au service de Christian Dior deux ans plus tôt. Yves Saint Laurent, devenu directeur artistique, aura juste le temps de signer quelques collections, dont une à grand succès : la « ligne trapèze », avant de devoir quitter la maison Dior pour faire son service militaire en 1960.
Il est alors remplacé par Marc Bohan, qui restera à la tête de la direction artistique de Christian Dior jusqu’en 1989. Après le départ de Marc Bohan, Gianfranco Ferré apportera à son tour sa marque à la maison de couture. En 1996, c’est John Galliano qui est appelé à prendre les rênes de la direction artistique de la maison Dior. Celui marquera profondément la marque avec ses collections autant provocatrices qu’élégantes. Mais il sera remercié en mars 2011, sur fond de scandale antisémite. Juillet 2016, la maison Dior annonce la nomination de Maria Grazia Chiuri en tant que directrice artistique des collections femme – prêt-à-porter et couture. Elle succède ainsi au créateur belge Raf Simons, dont le départ de la maison française avait été annoncé en 2015.

MARIA GRAZIA CHIURI, PREMIÈRE FEMME À LA TÊTE DE DIOR
Cela fait seulement quelques mois qu’elle a fait ses débuts au Musée Rodin pendant la Fashion Week de Paris, et son impact sur la maison a été tout simplement transformationnel. Sous sa direction, les podiums sont devenus une plateforme pour une conversation permanente sur le féminisme et les arts. Cette saison, elle rend hommage à deux femmes d’influence en construisant un décor inspiré du Jardin des Tarots de l’artiste et ancienne mannequin Dior Niki de Saint Phalle, et en présentant des marinières flanquées du titre : « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? », article de 1971 écrit par l’historienne de l’art Linda Nochlin. (Deux femmes qui ont fait des vagues bien au-delà du monde de la mode.) Et ses efforts ne s’arrêtent pas là : elle a proposé une nouvelle vision de la femme Dior moderne, une femme qui peut encore revêtir une robe de bal et des stilettos pour une soirée spéciale, mais qui de jour privilégie les chemises à manches longues, les jeans boyfriend, et une paire de chaussures plates, avec un sac bandoulière à l’épaule.

Ces dernières années, aucun créateur n’avait autant suscité la controverse que Maria Grazia Chiuri. Elle s’est attiré autant de louanges que de spéculations sur la vision qu’elle défendrait en tant que créatrice indépendante. En 2008, elle forme avec Pierpaolo Piccioli un duo prestigieux et acclamé pour tenir les rênes de Valentino. Une consécration pour celle qui a intégré l’équipe de création dans les années 1990 avant de devenir créatrice d’accessoires de la maison en 1999.

Aujourd’hui, elle affronte l’adversité seule, ce qui a de quoi susciter l’appréhension. « Non, non, non – J’avais peur de ça. Mais qu’est-ce que j’ai à perdre ? Rien » rétorque-t-elle, avant d’éclater d’un rire qui nous transporte jusqu’en Italie. Bienvenue dans le monde romain de Maria Grazia Chiuri, celui où le non-sens n’existe pas, où la langue de bois fait hausser les sourcils quand l’honnêteté est elle bien réelle. Voici la femme qui a quitté Valentino alors que les ventes n’avaient jamais été aussi bonnes, celle dont on continue à acclamer l’esthétique singulière et pure. « Ok, dit-elle en haussant les épaules, mais maintenant…c’est fait ! C’était une belle relation et un vrai travail d’équipe : une grande aventure. Mais ce n’est pas parce qu’on a déjà été mariée qu’on ne peut pas avoir un deuxième mari plaisante-t-elle. Et pourquoi pas ? » Son nouveau mari vient juste de fêter ses 70 ans.
Peu importe dans quel sens on la raconte, la transition qui a mené Chiuri à la tête de Dior semble faire partie d’une transformation plus personnelle, menée avec un instinct spectaculaire.
Elle est repartie de zéro à 52 ans’, raconte Rachele sa fille. ‘Cette collection parle d’elle, de son parcours en tant que personne, en tant que mère qui a toujours travaillé, en tant que femme qui a grandi à Rome et qui en est partie’. Quand Chiuri accepte le poste chez Dior, elle est contrainte de déménager à Paris, seule. Elle laisse son mari à Rome, qu’elle ne voit que les week-ends. ‘Elle a traversé beaucoup de choses seule, et je pense que c’est pour ça qu’elle a fait cette collection’, explique Rachele.

C’est Chiuri qui encourage sa fille à partir pour Londres alors qu’elle n’a que 17 ans, pour multiplier ses possibles. ‘Chaque enfant doit tuer ses parents pour se libérer, pour développer son propre point de vue, et ce n’est pas une décision facile à prendre’, raconte Chiuri à Paris. ‘Il y a plein de choses que j’ai comprises trop tard. J’ai poussé Rachele à partir à Londres parce que je voulais qu’elle se libère de sa famille. Ce n’est pas commun dans la culture italienne, mais je veux que mes enfants soient libres.’ Entre ses collections prêt-à-porter ancrées dans le réel et ses défilés haute couture extravagants, Maria Grazia Chiuri est la quintessence même de la femme contemporaine pour qui elle dessine ses lignes. Aussi romantique que pragmatique. « Je rêve beaucoup, mais si je veux survivre, je dois rester réaliste, assure-t-elle, le sourire italien collé aux lèvres. J’aimerais bien vivre dans un rêve, mais c’est impossible pour moi. Je préfère voir mes rêves devenir réalité. »
« Quand on la voit, elle a l’allure d’une grande dame romaine mais à l’intérieur d’elle, il y a une vraie punk londonienne. » Stephen Jones, Chapelier chez Dior

JOY DE DIOR
UNE NOUVELLE EXPÉRIENCE OLFACTIVE SIGNÉE PARFUMS CHRISTIAN DIOR

Il est des sillages qui encapsulent leur temps, des madeleines de Proust qu’il suffit de sentir pour replonger dans une décennie. Souvenez-vous de l’accord narcotique d’Opium d’Yves Saint Laurent de la fin des seventies ou du bouquet romantique d’Anaïs Anaïs de Cacharel cher à la génération La Boum. Certaines époques sont marquées par des courants contraires comme les années 1990, tiraillées entre les effluves grunge de CK One de Calvin Klein pour filles et garçons aux cheveux longs (1994) et les notes barbe à papa d’Angel de Thierry Mugler (1992).

Si Dior multiplie les déclinaisons de ses grands parfums à chaque saison, la marque n’avait pas créé de nouveau parfum depuis J’Adore, il y a vingt ans. Il faut dire qu’un tel projet se compte en millions d’euros. Joy représente un enjeu énorme. À l’aube des années 1950, Monsieur Dior réclamait “un parfum qui sente l’amour”, Miss Dior est né. Ensuite il y a eu J’Adore en pleine période bling (1999) avec son flacon doré et ses égéries flamboyantes.
Comment traduire en notes ces trois lettres reconnaissables de Paris à l’Oural, en passant par le Mississippi ? « Joy était mon brief de départ, et m’a causé pas mal de stress en raison de la formule de Patou : c’est un monument de la parfumerie ! Tous les étudiants en la matière planchent dessus au moins une fois dans leur vie. Là, je devais tout oublier, raconte le nez de Dior, François Demachy. J’ai travaillé le thème de la lumière avec des notes claires, fraîches, pas seulement en tête mais aussi en fond. » Des fleurs (jasmin, rose, ylang-ylang), de la bergamote, de la mandarine (appréciée dans la plupart des cultures), de la pêche (la touche gourmande), de la vanille et du santal réconfortant façon lait chaud. Je désirais une formule très composée, comme pixélisée, qui ouvre plusieurs portes et parle à toutes les femmes, de toutes les origines.»

Pour incarner cette nouvelle fragrance, la Maison a choisi Jennifer Lawrence. L’actrice devient l’égérie de JOY de Dior dans un film qui lui colle à la peau, réalisé par Francis Lawrence. Authentique en toute circonstance, elle donne au parfum les couleurs de sa personnalité entière et de sa féminité sensuelle et naturelle.
La joie demeurera-t-elle ? Rendez-vous dans vingt ans.