CLAIRE LAFFUT
Rencontre

Il fait beau, les oiseaux gazouillent et j’arrive à Ixelles, lieu de rendez-vous avec une artiste pas comme les autres et vachement brillante. Je suis devant une grande porte d’entrée, d’un joli rouge carmin, taguée de différents symboles, messages et autres décalcos. C’est là que Claire Laffut se ressource quand elle est de retour en Belgique, chez belle- maman, où elle retrouve sa sœur, ses amis et son atelier de peinture. La sonnette est étiquetée avec humour : ‘Beyonce ’ ! C’est clair, l’interview ne s’annonce pas trop pénible. Les présentations faites, nous nous installons dans un immense canapé orange vif, accompagnés par Lou, la petite soeur. Rencontre avec 
la révélation éclectique
 de la scène pop franco-belge….

Qui es-tu, d’où viens-tu ?
Je m’appelle Claire, prénom de ma grand-maman paternelle. Laffut est mon vrai nom. Je suis née un 21 juin, le jour de la fête de l’été et de la musique, dans un petit bled, sur la Sambre, entre Namur et Charleroi. Maman est coiffeuse et m’emmène dans toutes les académies de la région : solfège, piano, danse et dessin. Papa travaille dans le bâtiment. Il est passionné de musique et collectionne les vinyles. C’est dans sa voiture « tunée » que je découvre, ravie, les succès de Nirvana, de Frankie Goes To Hollywood ou des Daft Punk.

Enfant, tu sais déjà que tu seras artiste ?
Pas du tout. Je suis sensible aux arts, sans préférence, ça me plaît mais je n’ai aucune idée de ce que je ferai plus tard. A 16 ans, j’ai envie de découvrir le monde. Je quitte Moustier et ses 3.000 habitants pour rejoindre Bruxelles. Toute seule, avec mon baluchon. Je passe par St-Luc, je débute dans le mannequinat, je crée une boîte qui réalise et commercialise des tatouages éphémères …

Tu ne prends pas le temps de souffler. Tu es plutôt du genre entreprenant et fameusement dynamique.
Je suis curieuse de tout, un peu hyperactive, ne rien faire m’angoisse, mais parfois, je suis capable de me transformer en une totale flemmarde. A 19 ans, incitée par une déception amoureuse, je pars sur Paris. Je quitte la Belgique, ma famille, mon petit-ami, mes repères … mais il faut que j’y aille.
J’atterris chez ma copine Charlotte Abramow, photographe exceptionnelle, qui a réalisé mes premiers portraits. Commence alors une vie de bohème, de fêtes, de rencontres d’artistes. Je suis mannequin, c’est très intéressant au niveau de mon porte-monnaie et très flatteur au niveau de mon égo quand je me retrouve en cover de magazines de mode.
Mais ce milieu est un peu pernicieux. La médaille a son revers. Tu représentes une image corporelle totalement fausse de la femme, faite de souffrances. Tu vends ton âme au Diable et je ne me reconnais pas trop dans cette sphère. Je tombe sous le charme de Paris, je suis émerveillée par la présence de toutes ses énergies. J’y découvre d’incroyables musées et une architecture somptueuse. Mon éveil à l’art est constant.

Et comment deviens-tu chanteuse ?
Un soir, je me retrouve avec des amis pour une teuf d’enfer. Mon copain est batteur, et si les musiciens se déchaînent, le micro du chanteur trône seul, au milieu de la scène … il a peut-être oublié de venir. On me propose de le remplacer. Je n’ai jamais chanté que dans ma salle de bain … et je me lance. Le résultat est complètement catastrophique mais néanmoins, c’est une révélation. Je prends un pied d’enfer. Dès le lendemain, je me mets à composer de petites chansons. Je trouve ma voix atroce mais j’aime créer des mélodies et des paroles que j’adore traduire en images. Mon esprit créatif est totalement comblé et je me prends au jeu. Ça devient rapidement une drogue.

JE PENSE QU’ELLE VA ME PROPOSER LE RÔLE DE ‘MISS MÉTÉO’ À CANAL.
 PAS DU TOUT

Et ça fonctionne ?
Je poste mes chansons sur le net et j’ai rapidement la chance d’être remarquée par les bonnes personnes du milieu. Je suis contactée par différentes maisons artistiques. Bien entourée et bien conseillée, je refuse le premier contrat que l’on me soumet pour signer ensuite chez Universal, sous les conseils de Christelle Grayot. Elle m’a repérée à un cours de théâtre et est intéressée par mon profil. Je pense qu’elle va me proposer le rôle de ‘Miss Météo’ à Canal. Pas du tout, ils me proposent de produire mon 1er single. Et là, c’est parti. Tout s’enchaîne. Entourée de personnes compétentes qui me guident tout en me laissant brute et pure dans mes démarches, ‘Vérité’ voit le jour !
La chanson te permet de développer ton éclectisme artistique.
Tout à fait. C’est un pur bonheur que de mélanger musique, mélodie, parole et images. Quand j’écris, je vois des images que je retranscris dans le graphisme de mes pochettes, dans mes clips, dans mes dessins. Je crée un imaginaire complémentaire entre chansons et peintures. Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre.

Le public te manque ?
Avec ce maudit covid, l’industrie musicale est totalement embouteillée, les concerts s’annulent sans cesse et je ne peux rien partager avec le public. Cette situation nous afflige tous. J’ai besoin de contacts. J’ai besoin de chanter devant un public, de ressentir l’effet de mes chansons. Ressentir leurs réactions m’aide à prendre confiance en moi et à développer mon univers. Courage et amour dans ce confinement nous permettent enfin de voir le bout du tunnel. J’ai tellement hâte de retrouver mon public. Très heureusement, de nombreux concerts sont maintenant programmés. Ils vont joyeusement s’enchaîner. J’ai tellement hâte. Venez, qu’on devienne hystériques tous ensemble.

Ton premier album sort prochainement.
Oui. Il s’intitule ‘BLEU’, il sort le 3 Septembre prochain. Il est possible de le précommander dès maintenant : https:/beacons.page/clairelaffut
J’ai attendu et rêvé ce moment si fougueusement. L’imaginer, c’était aussi le vivre. Avec tous ses hauts et ses bas. Avec toutes les étoiles de cette constellation en visages dans mes yeux, l’éblouissement puissant des premières fois. Mes coups de foudres, mon cœur brisé, tous ces petits morceaux sont dans cette boîte à musique, éparpillés dans les sillons des vinyles et dans les reflets irisés de ce CD. Cette image magique je la dois à une talentueuse artiste et amie d’enfance, Charlotte Abramow qui m’a fait plonger dans un lac à la tombée du jouir avec ma toile ! Encore quelques mois et on pourra chanter et danser. Je me réjouis également de partager avec vous mes peintures qui seront exposées à l’occasion d’une expo prévue aux mêmes dates. Rendez-vous le 3 septembre …

En prémisse à ce premier album ‘Bleu’, Claire vient de sortir un nouveau single, ‘Hiroshima’ que je vous invite vivement à découvrir, si ce n’est déjà fait. Faisant référence, sans équivoque, au poème d’amour troublant ‘Hiroshima Mon Amour’ d’Alain Resnais, écrit par Marguerite Duras. Claire y évoque une expérience amoureuse destructrice qu’elle exorcise remarquablement et si singulièrement par une voix suave et envoûtante, et une mélodie entraînante. La chanson est accompagnée d’un clip fascinant, chorégraphié par Nick Coutsier.
C’est l’évidence même, Claire Laffut est la révélation de la scène pop franco-belge. Pendant ce temps, Lou, posée discrètement à nos côtés nous propose un rafraîchissement. J’opte pour une une bière, une ‘Vedett’, c’est de circonstance.

Et toi, Lou, que fais-tu de tes journées ? Je pense t’avoir aperçue dans le clip de la chanson « Gare du Nord » ?

Enfants, notre grand-père nous répète sans cesse que nous allons finir prostituées à la Gare du Nord si nous n’étudions pas. A cette époque, je fais pas mal de petites bêtises. Claire pense à relier les deux et en fait une chanson qu’elle me dédie et c’est pour cette raison qu’on m’y retrouve dans le clip. Ça part de cette phrase de mon grand-père. Lui, cela le fait mourir de rire, mais nous, on est totalement choquées chaque fois qu’il nous la dit. L’école, ce n’est pas mon truc. Je change d’école régulièrement et je ne trouve pas trop ma voie. Je suis des cours d’arts à l’Iata à Namur, on y enseigne principalement les métiers de tradition. Je touche à tout et j’ai un coup de foudre en découvrant la bijouterie dans l’atelier de l’institut. C’est une révélation. Au départ d’une plaque en laiton, avec juste une petite scie, je réalise un pendentif tout fin. Mon prof est génial et à la vue du bijou, il s’exclame ‘putain, c’est toi qui à fait ça ? ’

C’est une révélation ?
Oui. Je suis étonnée de ce que je parviens à créer. Passée par l’Iata à deux reprises et à l’école d’armurerie Léon Mignon en gravelure- ciselure possédant une option bijouterie, portée par ce prof, ma vie a enn un sens. Je pars à Dublin, j’y passe plus de temps à penser à ma vie qu’à la réaliser. Je rentre à la maison y retrouver ma sœur.

Et maintenant ?
Je termine une sorte d’apprentissage chez Esquisse Jewels à Etterbeek. C’est le plus grand atelier de Bruxelles. J’ai accès à tout le matériel et je me perfectionne en création et réparation de bijoux en or et diamant. Je me régale. La vie tient à peu de chose. Je compte lancer prochainement ma première collection avec ma sœur et y mêler mon grand-frère, en faire une histoire de famille.

C’EST UN MIXTE 
ENTRE BARLOS, BARAKI ET HYPER SÉRIEUX

Je suis prêt à parier sur une certaine originalité au niveau de tes créations.

En effet (rire des deux soeurs). Elles sont issues de mon univers. Un peu drôles, streets, à la limite ‘Tuches’. C’est un mixte entre barlos, baraki et hyper sérieux. Comme ce pendentif ‘Kedis’ constitué de lettres gothiques, en or, incrustées de saphirs. C’est une expression qui est reprise à la manière Carolo de ‘Kedis Ma Biche ?’ qui signifie ‘Quelles nouvelles ?’. Et des expressions facétieuses, ça ne manque pas chez nous. Les outsiders pensent que tu es un ‘tchô d’baraki’, que tu es chaud pour ‘skèter l’baraque’. Tu bosses dur pour avoir des ‘liards’. T’aimes ‘faire le biesse’ mais le lendemain t’as parfois ‘mô t’tiesse’.

On rit tous les trois et on termine notre ‘Vedett’.
Salut les filles et merci pour votre adorable accueil. Vous êtes plus que charmantes.

Vive le ‘Bleu’ et les ‘Kedis’.

Interview : Damien CHABALLE | Photos : Charlotte ABRAMOW