AURORE MORISSE GALLERY
Tout un art, un sujet de valeurs

Depuis le début de l’histoire, l’art est une valeur de commerce, d’investissement, un processus de partage et une monnaie d’échange. Cependant, l’art est aussi vu comme élément de corruption et comme bon moyen de déguiser l’argent sale. Il ne se limite
pas aux tableaux et oeuvres d’arts en tout genre mais se reconnaît dans la plus banale des bouteilles de vin comme dans la dernière voiture conçue. Alors on peut se demander : » Comment et surtout pourquoi acquérir une oeuvre qui ressemble à une « croûte » ? »

Texte Léa-Marie HALLET | Photos Aurore MORISSE

La place de la femme

Le milieu de l’art est masculinisé depuis tant d’années rendant la place de la femme toute petite. Pourtant comment cette place peut-elle être aussi peu justifié ? Les dames ont le nez fin, le goût pour la décoration, une valeur féminine et délicate de l’art que les hommes ont de façon moins innée, voire pas du tout. Pour preuve, la dernière exposition à la Boverie sur la famille des Rothschild mettait en exergue les femmes et leurs collections. Alors oui, à l’époque les hommes avaient l’argent et les femmes le goût. Aujourd’hui, l’homme à toujours l’argent et la femme le goût mais elle a aussi son indépendance financière et détient ses propres fonds. Les femmes s’ouvrent au fil du temps au marché de l’art et à l’investissement que cela peut représenter. Mais finalement qu’elle valeur a le marché de l’art ? Que deviendra mon oeuvre dans 10 ans ? Pourquoi l’ai-je achetée ? Pour une émotion peut-être ? Ces prochaines lignes nous permettrons d’éclairer ces questions.

Moi, Aurore Morisse

Je suis une femme et j’ai 32 ans. Ce métier d’antiquaire que j’exerce, très masculin, est de nos jours cliché. On imagine un homme ayant la soixantaine, bedonnant rendant désuet et démodé cet art que nous exerçons. C’est pourquoi je me nomme marchand d’art.
Marchand d’art et non marchande d’art car ça ne se dit pas. Conservateur oui, conservatrice non, galeriste oui, au féminin non. Beaucoup d’hommes et même de femmes pensent que notre métier n’est pas intéressant, qu’il n’est pas valable pour une femme. Il y en a souvent d’ailleurs qui me demandent : « Mais qu’avez-vous fait comme études pour réussir ? » Parce qu’on a la trentaine en étant femme on ne pourrait pas se consacrer à un métier dit d’hommes ? Et bien si et c’est ce que j’ai décidé de faire dans ma vie. Être marchand d’art.

La valeur du temps

Il y a des années, on attendait deux ans entre la commande, la fabrication par des artisans, la réception et le placement à domicile de son bien, un meuble par exemple. À l’heure actuelle, nous n’avons plus cette patience et ce sentiment d’attente qui est tant magique. La livraison doit être immédiate, dans le meilleur des cas gratuite. La spontanéité et l’effet de surprise nous échappe tout comme le fait de se languir de l’arrivée de son achat. Nous devons retrouver cette petite flamme intérieure, ce plaisir et cette réjouissance d’une nouvelle acquisition ou occasion. Un verre de vin, un poème, une oeuvre d’art doivent être savourés comme quelque chose d’unique.

La valeur de l’argent

Se rendre compte du travail et du chemin parcouru pour obtenir cette chose tant convoitée. C’est bien beau de vouloir tout moins cher dans l’optique de revendre très cher. Tout le monde se prétend marchand antiquaire grâce aux plateformes de ventes en ligne. Les gens affichent au prix fort leur vente pour finalement venir nous trouver en nous prenant pour la dernière des poubelles. Pourtant c’est bel et bien un métier nécessitant une formation et surtout de l’expérience. Nous avons besoin d’être considéré à notre juste valeur. De plus, le client est prêt à mettre des milliers voir des millions d’euros dans un objet qui au niveau du travail et du savoir-faire ne vaut rien. Une impression de Dali par exemple ne vaut pas plus que celle d’un enfant qui dessinerait un objet et l’imprimerait sur son imprimante. Seulement la première est signée Dali et on lui donne plus de valeur malgré une technique presque ridicule. Tout le monde peut avoir le même, il n’y a plus d’exclusivité, plus de rareté.

Notre formation

Les antiquaires sont très souvent critiqués. Au niveau des prix, de leur savoir-faire et de leur savoir-vivre, personne ne peut les égaler, et pourtant.
Nous avons l’expertise pour situer les objets dans le temps, reconnaître les matériaux utilisés, savoir si l’oeuvre est une copie ou un original. Si cette oeuvre est en bon état, signée et par qui. Si vous me demandez comment déterminer qu’une oeuvre est authentique ou une copie, si c’est du bois massif ou du contreplaqué, du bronze ou du zamac, je vous répondrai ce que mon père a toujours dit : » 5 francs pour le coup de marteau, 20 pour savoir où le mettre ». Autrement dit, être marchand d’art est le travail de toute une vie. Nous aiguillons également notre clientèle vers le lieu de mise en vente le plus adapté, chez quel marchand, quelle personne ? Les marchands d’art estiment. Ils comparent les prix des ventes publiques mondiales pour en retirer des tendances et savoir quelle offre régit quelle demande. Il faut noter que s’il n’y a pas de demande, l’offre est très basse. L’objet peut être de qualité et pourtant personne n’en veut. Par exemple, le mobilier du XIXe est actuellement une catastrophe. A l’époque où la salle à manger liégeoise se vendait 1 millions de francs belges (25.000 €€), aujourd’hui on peut enlever au moins un zéro. Il faut trouver l’amateur. Alors non un objet affiché 200 € € sur internet ne vaudra peut-être pas ce même prix sur le marché de l’art car derrière une oeuvre se cache une histoire et un passé. L’estimation d’une oeuvre relève nécessairement d’une expertise professionnelle.

La rareté

On s’en contre fiche. On préfère avoir un objet ou un tableau qu’on peut montrer, et où on peut dire, regardez comme il coûte cher. On préfère avoir le dernier iPhone, le dernier Mercedes et montrer sur Instagram que nos vacances, 4 fois par an, sont éclatantes. Mais qu’elle est la vraie valeur des choses ? Comment faire pour estimer un objet d’art sans parler du savoir-faire de ces ébénistes, de ces artistes ? Comment une bague sertie d’un quartz et fait d’un anneau d’or pourrait coûter 3 500€ alors qu’un bijou fait de vrais diamants et de vraies matières, rares et chères, coûterait finalement moins? Juste parce qu’un bien est signé, il vaut intellectuellement de l’argent mais en réalité ne vaut strictement rien sur le marché en tant que matière. On rentre en quelque sorte dans un club social d’apparence avec un sentiment d’appartenance.
Mais le vrai sens de l’art est la collection, l’émotion qu’il nous procure. A l’époque on collectionnait encore, aujourd’hui je m’interroge ? Y-a-t-il encore des collectionneurs ? Si oui, ils s’appauvrissent. Finalement, la valeur du temps, de l’argent, du travail, des choses, doivent être remises en question mais aussi notre mode de consommation. Je ne parle pas ici d’écologie ni d’économie, quoique en achetant consciemment, intelligemment en prenant le temps, on achète moins cher et surtout pour plus longtemps. Comme j’aime le dire : « acheter Chinois, acheter deux fois ». Bon nombre de clients viennent pour acheter et partent sans rien pour cause de prix trop élevé. Ils achètent alors ailleurs au prix bas pour finalement revenir chez moi dans le but d’acquérir cette pièce plus chère. Double achat de la même chose. Alors ne serait-il pas question aussi d’investir mieux ?

Investir

En parlant d’investissement, l’art on ne le garde plus mais on le jette. On achète de l’art car c’est se faire de l’argent, on ne l’achète plus pour le regarder, pour l’admirer et prendre plaisir. Les questions qui reviennent le plus souvent quand un client rentre en boutique sont : « Dans quoi dois-je investir pour gagner de l’argent ? », de l’argent, toujours de l’argent mais où est le plaisir ? Où est la valeur du plaisir et du temps ? Il est nécessaire de simplement se rendre compte qu’on a quelque chose de rare, d’unique entre nos mains. Le moment passé dans la boutique, la rencontre avec l’humain, l’histoire, l’explication forment une richesse de partage.

Renouer avec le Quite Luxury

Il y a des années, alors que la richesse était la possession, c’était de pouvoir avoir sans pouvoir montrer, c’était avant tout la discrétion qui était mise en avant. De nos jours, le Quite Luxury est timide ou inexistant mais pas forcément connu du marché public. On met souvent des grands noms en avant, la démonstration, on montre, on montre et plus on montre, plus on est riche. Il est alors peut-être temps de remettre en avant ces
priorités : la valeur du temps, de l’émotion, de l’humain, celle de ce qu’on nous raconte. Il faut pérenniser l’histoire. Alors continuons à connaître et préservons cette connaissance, ce savoir-faire et ce savoir-vivre que nous offre les antiquaires à travers l’histoire de nos oeuvres. Faisons vivre ce quite luxury car c’est peut-être la nouvelle ère, la nouvelle richesse et le nouvel art.

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